01-21 : l'hypnose n'existe pas
L'état d'hypnose n'existe pas
Vous pratiquez l’hypnose ? Et pour vous l’état hypnotique ne fait aucun doute ? Cool !
Et si maintenant je vous disais que l’état d’hypnose n’existe pas ? Vous criez au loup ? Au bûcher ?
La perception des croyances et la réalité commune nous engage à poser des noms sur des choses. Des interprétations de phénomènes qui sont à minima similaires, voir identiques dans leurs effets, pratiques ou processus sont pour autant divisés par les multiples identifications que nous en faisons en fonction de plusieurs facteurs.
Par exemple, n’avez-vous jamais remarqué les différences de sémantique d’un thérapeute à l’autre ? Comment un simple mot comme « dissociation » peut avoir des interprétations différentes en fonction des formations, écoles, et praticiens ? Et qui pourrait dire exactement qui a raison ou tort sans aller chercher dans la source même du mot et de sa signification : l’étymologie.
Loin de moi l’envie de donner une définition de l’hypnose, de ses interactions, de son fonctionnement et de ses différences avec d’autres pratiques. Mais nous allons, au fur et à mesure de cet article, essayer de comprendre pourquoi nous ne pouvons pas parler d’état hypnotique, mais bien de phénomène de modification de la conscience.
A vos marques ! Prêt ? Partez !
L’hypnose : un outil de transe parmi d’autres.
Hypnose, magnétisme animal, chamanisme, prière, exorcisme, stupéfiants….Tant de pratiques si différentes et pourtant si semblables. «Ah bon? » entends-je déjà derrière votre écran...«Mais ça n’a rien à voir ! » Ah oui ? Et pourtant.
Qu’est-ce que ces pratiques ont en commun ? Qu’est-ce qu’elles ont de différents ? Et bien toutes ont le même objectif : faire vivre à celui qui les pratique une vision modifiée de la perception de ce qu’il a vécu, de ce qu’il vit ou de ce qu’il s’apprête à vivre. Dans certains cas même, leur mise en pratique permettra de présenter à d’autres individus une autre version de la réalité telle qu’elle est perçue. Par exemple, chez les chamanes d’Amérique du nord :
«les Heyoka» sont des chamanes dit chamane clown, ou les « contraires ». Ils sont définis par leur façon marginale de vivre, à l’inverse des codes sociétaux. Sacrés dans les croyances des indiens nord-américains, ces Heyokas offrent un regard contradictoire des codes sociétaux, et permettent une autocritique indirecte des membres de la tribu et un relativisme certain sur l’importance vitale de ces codifications. Ainsi, libre à chacun de croire en les messages donnés par le chamane, d’en tenir compte ou non, et d’instruire un changement en accord avec la modification de perception qui est propre à chaque individu.
Il en va de même dans le magnétisme animal, ou la notion de fluides traversant le corps peut guérir une affection, ou dans l’hypnose, ou la modification de l’état normal d’analyse de l’environnement nous permet de modifier individuellement nos peurs, nos relations avec des traumatismes.
Les croyances : vecteur de l’état modifié de conscience.
Mais qu’est ce qui nous fait tendre vers l’une ou l’autre des pratiques ?
Oh… J’entends que ça crie déjà au scandale derrière les écrans… Certains ont même dû arrêter de lire, et si vous êtes encore là, je vous félicite pour votre curiosité.
Les croyances.
Les croyances, communes ou personnelles sont le vecteur de l’état modifié de conscience. Qu’elles soient culturelles, religieuses, sociales, scientifiques… Les croyances forgent notre perception comme un filtre spécifique nous permettant de percevoir notre propre réalité et de la confirmer. La foi en ces croyances devient inaltérable par la confiance indéfectible qu’on lui attribue. Alors, si vous êtes convaincu que le reiki peut guérir votre urticaire à distance, ou si vous avez toute fois en l’exorcisme pour libérer votre femme de sa crise hystériforme, ou si vos recherches, comme pour Freud, vous ont amenées à fréquenter des grandes personnalités comme Charcot qui croit en la toute-puissance de l’hypnose face au même trouble précédent, alors, l’énergie et la conviction que vous allez mettre dans votre pratique sera (peut-être…) efficace.
C’est le pouvoir de l’intention.
De là Bernheim et sa notion de suggestion a pu donner une vision plus globale de l’application de ce que lui-même appelait « l’état hypnotique ». Les incrédules qui poussèrent Auguste Liébeault à l’exil du milieu médical l’ont fait par manque de croyance et de conviction dans les travaux que ce grand médecin avait entrepris sur des sujets. Ces travaux reposaient sur d’autres affirmations qui avaient déjà été discréditées malgré leurs véritables avantages sur nombre de sujets, par la cour du roi qui plus est, à savoir le magnétisme animal et Mesmer. Pour autant, son intention et la croyance qu’il portait en ses recherches ont permis à Auguste Liébeault de traiter des centaines de sujets des classes les plus populaires et d’inspirer Hyppolite Bernheim, père de la notion de suggestion thérapeutique, qui est aujourd’hui l’un des moteurs menant à l’état modifié de conscience, et l’une des bases fondamentales du travail sur la pensée.
Les différents moteurs de l’état modifié de conscience.
La suggestion est un vecteur de transe. Mais il y en a d’autres. En fonction du contexte et de la personne que l’on prend en charge, la suggestion elle-même n’aura pas forcément d’effet sur la modification de conscience. Pour cela, d’autres moteurs peuvent accompagner les différents vecteurs de transe : la saturation, la fascination, la confusion, l’adhésion, l’asservissement.
Tant de vecteurs comportementaux qui vont permettre à des outils, sélectionnés en fonction des croyances, de produire un effet en fonction de la personne prise en charge.
Eric Normandin, alias Mesmer, dans le cadre de ses spectacles, sélectionne les sujets qui vont être utilisés sur scène grâce à des tests de suggestibilité : comprenez alors test d’adhésion à ce qui va se dérouler à cet instant, dans cette salle de spectacle. L’assertivité créée par le contexte (je me trouve devant un personnage public qui a tout mon respect dans ce qu’il réalise et qui me plait) permet un catalyseur de transe, qui va potentialiser les effets de la suggestion, et provoquer l’état modifié de conscience. Au même titre, les tsiganes utilisent la saturation de pensée et la fascination par le regard pour créer une distraction, elle aussi à l’origine d’un asservissement à un état modifié de conscience, qui leur permettra dès lors de vous plumer, avec tout votre engagement dans la tâche.
L’état modifié de conscience, un ensemble d’éléments interliés.
Pour conclure, l’état hypnotique n’existe pas. Du moins il n’existe pas comme entité propre. L’état, ou transe hypnotique, par son dynamisme et sa fluctuation, est un état modifié de conscience caractérisé par l’utilisation d’un outil spécifique (l’hypnose) en fonction des croyances communes de deux individus (le praticien et le sujet), catalysés par un moteur comportemental du praticien envers le sujet (suggestion, fascination, saturation…)
Ainsi son nom fluctuera, en fonction des croyances, à travers le monde, les cultes, les mythes et les populations. De chamanisme à hypnose, de l’usage de stupéfiant à l’usage de la foi, de la science au paranormal, les noms qu’ils arborent font des états modifiés de conscience un élément commun à tout être humain, devenus indispensable à chacun, par la nature même de sa propre conscience des choses, de sa propre interprétation de l’environnement qui l’entoure et de sa volonté de, si ce n’est contrôler les interactions qu’il entretient avec lui, à minima, y garder une influence.
Une influence fantasmée ou réelle ? Ceci est un autre débat.
J. Nouen